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Des légumes paysans pour repousser la faim

Reportage | 28 novembre 2022

Les pieds dans la terre et le cœur sur la main. Réunis par la Maison Paysanne de l’Aude, des produc­teurs ont mis en place des paniers soli­daires pour lutter contre la préca­rité alimen­taire dans la Haute-Vallée de l’Aude.

Il est presque 11 heures quand Marie-Chris­tine se gare sur le parking des Jardins de la Haute Vallée, à Couiza, le coffre plein de bocaux. Un ouf de soula­ge­ment parcourt l’as­sis­tance, réunie dans le hangar de l’ate­lier de trans­for­ma­tion coopé­ra­tif : tous les produits de la semaine sont là, il ne reste qu’à partir en livrai­son. L’épi­ce­rie paysanne, ambu­lante et soli­daire (EPAS), lancée par les produc­teurs de la Haute-Vallée de l’Aude en avril 2020 lors du premier confi­ne­ment, a un fonc­tion­ne­ment bien huilé : tous les vendre­dis matins, les produc­teurs apportent au point de rendez-vous leurs produits comman­dés sur le site Inter­net, avant d’as­su­rer eux-mêmes la tour­née aux quatre coins de la vallée. D’ici midi, une ving­taine de villages sera four­nie en produits de saison – et bio pour la grande majo­rité. Marie-Chris­tine, elle, hérite d’une livrai­son proche, mais parti­cu­lière, puisqu’elle redé­marre main­te­nant vers une boutique de fripes de Quillan tenue par l’an­tenne locale du Secours Catho­lique. C’est là, chaque semaine, que l’adjec­tif « soli­daire » accolé à l’épi­ce­rie prend tout son sens.

Rédacteur

Aurélien Culat

D’ici midi, une ving­taine de villages sera four­nie en produits de saison – et bio pour la grande majo­rité.

Pous­sée de fèves

La ruelle du centre-ville qui accueille la boutique Aud’ha­bits s’agite au moment où Marie-Chris­tine ouvre le coffre, et ce dernier est déchargé en moins de deux minutes par des paires de bras béné­voles. Les cagettes de choux-fleurs, arti­chauts, fèves, fromages frais, blettes et persil sont immé­dia­te­ment prises en charge dans l’ar­rière-boutique, où Marie-Odile coor­donne la répar­ti­tion des produits par paniers indi­vi­duels ou fami­liaux. « Aujour­d’hui on a 13 familles et 5 personnes seules » explique-t-elle, les yeux sur son tableau réca­pi­tu­la­tif. À ses côtés, Stépha­nie enfourne 750 grammes d’as­perges dans chaque portion fami­liale : un luxe à 9 euros le kilo qu’on pour­rait s’éton­ner de trou­ver ici. « Un panier comme celui-ci vaut 20 euros, confirme Marie-Odile, mais la famille ne paiera que 4 euros. Et un panier pour une personne seule, qui vaut 12 euros, est payé 2 euros. » Le reste est pris en charge par le Secours Catho­lique, qui distri­buait aupa­ra­vant des bons à dépen­ser dans un super­mar­ché, et par l’Epi­ce­rie Paysanne, qui propose à ses clients d’abon­der une caisse de soli­da­rité lors de leurs commandes.

Chaque vendredi soir, après la distri­bu­tion, Marie-Odile passe un coup de fil à Thomas Galland, sala­rié de la Maison Paysanne de Limoux et coor­di­na­teur de l’épi­ce­rie, pour lui donner le nombre de personnes inté­res­sées. « Ils payent à la commande, précise-t-elle : ça engage un peu plus les gens. » À Thomas de compo­ser ensuite le menu avec les produits dispo­nibles auprès des produc­teurs. « Les béné­fi­ciaires sont très contents, assure Marie-Odile. En plus, les produc­teurs ont été très gentils : la dernière fois, ils ont offert un panier pour les béné­voles, ils nous ont remer­ciés. C’est agréable ! » Stépha­nie, toujours affai­rée à répar­tir les légumes, confie dans un sourire qu’elle est arri­vée là en venant cher­cher un panier pour elle : « Et puis ça m’a plu et main­te­nant je suis à la boutique tous les vendre­dis ! Mais aussi tous les mardis, et quand il y a des absences. On met beau­coup d’amour dans ce qu’on fait, c’est très fami­lial, c’est ma deuxième maison ! » Marie-Odile confirme, l’air espiègle : « Le jour où il y avait des pommes, des pommes de terre et des noix, tout en vrac à peser, on s’est bien amusées ! »

« Les béné­fi­ciaires sont très contents, assure Marie-Odile. En plus, les produc­teurs ont été très gentils : la dernière fois, ils ont offert un panier pour les béné­voles, ils nous ont remer­ciés. C’est agréable ! »

Coup de frais sur les paniers

Un autre béné­vole, Jona­than, semble un peu désolé : il n’a pas préparé de gâteau à parta­ger cette semaine, faute de finances. Pour lui aussi, le panier des paysans est déci­sif, d’au­tant qu’il ne mange pas de produits animaux. «  Ils les remplacent par d’autres légumes, juste pour moi, et ça, ils ne le font pas ailleurs, explique-t-il. D’ha­bi­tude, dans les autres distri­bu­tions, on m’en enlè­ve… » En plus des œufs, de la farine et des fromages de ferme, la diver­sité et la qualité des légumes revient dans la bouche des béné­fi­ciaires comme des béné­voles. «  C’est la première fois que je mangeais des petits pois frais ! », se souvient Stépha­nie. Rolande, qui vient de récu­pé­rer un panier fami­lial pour elle et sa fille, arbore un grand sourire en sortant de la boutique : « Heureu­se­ment que je peux venir ici, parce qu’ache­ter autant de légumes, je ne peux pas. Le marché, je ne peux pas y aller. J’ai aussi la distri­bu­tion du Secours Popu­laire et des Restos du Cœur tous les quinze jours, et de la Croix-Rouge tous les mercre­dis. Mais du frais comme ça, les asperges et les fèves, on ne les trouve qu’ici ! On contri­bue, avec 4 euros, mais ça change beau­coup. Heureu­se­ment qu’ils sont là et qu’ils font ça pour nous », confie la mère de famille, qu’un handi­cap empêche de travailler. Dans la boutique, une cliente venue pour les fripes en profite pour s’ins­crire aux paniers. «  Je te dirai en fonc­tion des ressources pour savoir si tu l’au­ras chaque semaine ou tous les quinze jours », lui explique Marie-Odile. Contraints par le budget de l’as­so­cia­tion, les béné­voles demandent des justi­fi­ca­tifs et des décla­ra­tions de reve­nus pour prio­ri­ser les plus dému­nis. Le contrôle n’est toute­fois pas trop strict : «  Il vaut mieux donner à quelqu’un qui n’y aurait pas droit plutôt que de refu­ser à quelqu’un qui y aurait droit », confie Marie-Odile. Un cas de conscience se présente d’ailleurs à elle, en la personne d’une béné­fi­ciaire qui a quatre paie­ments de retard et les poches vides. «  On peut repous­ser à la semaine prochaine ? », demande la jeune femme. Marie-Odile esquisse une moue. «  OK, ça te fera 6 paniers à régler. Mais ne le dis pas, il ne faut pas que tout le monde fasse comme ça ». Couverte de remer­cie­ments, la béné­vole remet le nez dans sa feuille de comptes d’un air sérieux. Il faut encore passer la commande de la semaine prochaine, afin que la boutique conti­nue de voir défi­ler les paniers paysans et soli­daires.

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